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MAD MAGAZINE
Voilà un journal de BD qui m’a influencé ! Traitement à chaud de l’actualité, graphisme adulte sans être prétentieux, mise en boîte savoureuse des ridicules américains (rétrospectivement bien mineurs…). Avec Hara Kiri première période, celle où Cavanna était un humoriste mordant avant de devenir un imprécateur vaticinant, ce sont là les deux titres qui, pour moi, ont nourri les années 60.

 

MÉZIÈRES [JEAN-CLAUDE]
Lui c’est lui, moi c’est moi. Et souvent, on ne se l’envoie pas dire. Mais c’est aussi à la vie à la mort, une amitié de jeunesse qui n’a pas pris une ride. Valérian n’est qu’une des nombreuses choses que nous avons faites ensemble : traverser Paris la nuit, marcher dans les montagnes françaises, chevaucher dans les montagnes américaines, s’engueuler sur le cinéma, se rabibocher en travaillant pour le cinéma, faire des livres bizarres (Lady Polaris, que nous aimons pour des raisons différentes), faire des livres carrés (Adieu rêve américain, dont nous ne pensons cependant pas la même chose), faire des livres inattendus (puisque, dans le genre de SF que nous pratiquons, rien n’est écrit, rien n’est dessiné d’avance). En somme, continuer à avancer côte à côte en sifflant très fort dans la nuit pour se donner du courage, comme quand nous étions gamins…

 

MUSIQUE
L’une des grandes passions de ma vie. En jouer. En écouter. En découvrir. Peut-être que la précarité de mon audition me rend la musique encore plus précieuse ? Le jazz, d’abord, le plus proche de moi, et les pianistes, encore plus proches tant j’ai tenté de les imiter : je peux dire en deux secondes d’un phrasé entendu sur un autoradio s’il s’agit de Red Garland ou de Tommy Flanagan. Il me faut plutôt deux minutes, en musique baroque, pour trancher entre William Christie et Marc Minkovski, quoique je sois assez sûr de mon affaire. Mais j’aime tellement d’autres choses ! Le tango argentin, la musique cubaine, la salsa, le R&B, les tziganes, Brahms, Bashung… Grand éclectisme, avec des limites impitoyables. Car il y a énormément d’autres choses que je n’aime pas, c’est à dire les neuf dixièmes de ce que j’entends sur les radios, des marchands de soupe, des braillards qui chantent faux. À vrai dire, je pense que la musique est l’un des rares domaines où je sois assez rigoriste, pour ne pas dire sectaire, voire franchement chiant…

 

MOUNIER [ALAIN]
Avec lui, j’ai pu traiter un sujet qui me tenait à cœur, celui des gated cities, des « résidences fermées » comme on dit pudiquement en France, où elles arrivent. Règne de l’entre-soi, refus de l’altérité, enfermement urbain des plus riches comme il y a enfermement carcéral des plus pauvres… On me dit parfois que je fais des scénarios moins « politiques » qu’à mes débuts. Sincèrement, je n’en crois rien. Mais, disons depuis Les Cercles du pouvoir, ma façon d’affronter les problèmes politiques a changé, tout comme la nature de ces problèmes. Bush est un horrible, Blair est un faux-derche, Chirac, bah…Mais ce n’est plus tellement ce qui est important. Ce qu’il faut essayer de raconter, c’est tout ce qui mine la démocratie, le vivre-ensemble : l’abrutissement télévisuel, l’exclusion suburbaine, le règne du sport et de l’argent (c’est pareil), tout cela fonctionnant au profit d’une classe surpuissante et sur-riche… Le traitement relevant presque de l’enluminure d’Alain Mounier m’a permis de raconter calmement l’espèce de cauchemar climatisé qui s’installe partout sans bruit. J’ignore si ce livre aura comme certains de mes autres travaux un caractère quelque peu prémonitoire. Je le redoute…